Créer une micro-startup

Je réfléchissais depuis longtemps à un concept que j’avais du mal à formaliser dans ma tête. C’était un ensemble d’idées très vagues, mais tout s’est cristallisé en deux temps. Tout d’abord en lisant le livre Getting Real écrit par 37Signals, puis en tombant sur un billet intitulé The Future of Startups sur le blog de Jason Calanis.

Le concept en question est finalement assez simple : L’heure est venue pour les micro-startups

Reprenons depuis le début. Si vous avez lu la présentation du blog, vous savez que j’ai écrit – il y a plus de 2 ans – sur mon blog personnel un article intitulé Créer une startup rapidement. J’ai donnais un certain nombre d’informations et de conseil pour démarrer une activité sur Internet. Et je me suis servi moi-même de ces informations quand j’ai créé ma propre startup, à peine quelques mois plus tard.

Le message global était qu’il est désormais très facile, d’un point de vue technique, de démarrer une activité. Tous les outils nécessaires sont disponibles à très faible coût. Le « ticket d’entrée » pour créer une entreprise est désormais très accessible.

L’évolution des mentalités

Il y a quelques années, une partie non négligeable de la valeur d’une start-up pouvait résider dans ses serveurs, leur utilisation, les logiciels et techniques spécifiques développés en interne par l’entreprise. Et une part importante des coûts correspondait à l’embauche du personnel, à la location de locaux professionnels, à l’achat de matériel informatique spécialisé.
La moindre création d’activité devait commencer par une longue période de recherche et développement, qui pouvait mettre en péril la santé financière de l’entreprise, avant même qu’elle ait démarré la moindre activité !

De nos jours, les choses sont bien plus simples et moins coûteuses.

  • La majeure partie des aspects techniques sont suffisamment balisés pour qu’il n’y ait pas à se poser trop de questions à leur sujet – à moins de développer une solution particulièrement innovante, évidemment.
  • Des solutions techniques évolutives existent, qui s’adaptent aux besoins et permettent ainsi d’ajuster son budget.
  • Les logiciels libres couvrent de très nombreux domaines. Il est facile de trouver les logiciels qui couvrent nos besoins. Même en les modifiant pour les adapter, cela restera toujours moins cher que de les développer de A à Z, et bien souvent que d’acheter une solution propriétaire.
  • Les solutions de travail collaboratif à distance ont atteint un degré de maturité qui permet à plusieurs personnes de travailler ensemble sans être présentent physiquement au même endroit. Ajouter à cela que maintenant tout le monde a pris l’habitude d’utiliser les réseaux sociaux, et il devient possible de créer une entreprise sans bureau.
  • Même si les sociétés de services existent depuis plusieurs décennies, il n’a jamais été aussi facile de trouver des développeurs indépendants motivés et bon marché, pour aider à créer des logiciels rapidement opérationnels.

Définir son activité

Donc, les choses sont plus faciles par certains côtés. Mais si tout était aussi facile, tout le monde aurait créé avec succès une entreprise qui serait devenue une multinationale. La difficulté est toujours là, mais a pris des aspects différents.

Il est important de définir l’objectif que l’on cherche à atteindre en créant une micro-startup. Si on schématise, la création de startup « dotcom » traditionnelle suit un chemin facile à identifier : on trouve une idée innovante, on la développe sur nos fonds propres, on lance le produit, on essaye d’avoir le plus de visiteurs/clients possible, même si chacun d’eux fait perdre un peu plus d’argent, puis on tente de trouver des investisseurs pour survivre un peu plus longtemps, jusqu’à ce qu’on trouve quelqu’un qui veuille racheter l’entreprise (mais ce jour-là, elle a perdu tellement d’argent…).

La création d’une micro-startup suit un chemin différent, plus simple. Il faut commencer par trouver une idée de service ou de produit, qui soit original et/ou facile à « marketer ». Le but est de monter une activité qui puisse être rentable très vite ; idéalement, il faudrait pouvoir équilibrer les dépenses (hors salaires) dès le premier client. Cela peut sembler difficile, mais plusieurs types de services ou de produits permettent d’y arriver. Pensez votre entreprise de manière à ce qu’elle ne devienne pas un gouffre financier ; ne comptez pas sur un hypothétique investisseur pour combler vos dettes. Trouver la bonne idée qui vous mettra à l’équilibre financier dès le premier jour, et vous fera faire des bénéfices dès la première semaine.

Quelques trucs utiles dans le choix de votre activité :

  • Choisissez un domaine que vous connaissez. C’est toujours plus facile.
  • Choisissez un marché de niche. Il est plus facile – et rentable – d’être le plus gros poisson d’un petit bassin, que l’un des innombrables petits poissons dans l’océan.
  • Essayez de trouver une idée qui génère une entrée d’argent continue. Les produits et services qui s’accordent bien à un abonnement ou à des achats réguliers sont à préférer.
  • Si vous avez du mal à trouver une bonne idée de service ou de produit, mais que vous avez défini le marché de niche qui vous intéresse, épluchez les magazines spécialisés et les sites sur le sujet. Tentez d’identifier un ou deux produits qui semblent seuls sur leur marché, mais qui ne remplissent pas parfaitement les attentes. Essayez d’imaginer votre propre version.

Faites un minimum d’étude de marché. Quels sont les concurrents. Comment votre idée se démarque-t-elle ? Pouvez-vous réellement faire mieux, plus vite, pour moins cher ?

Développer son idée

Une fois que vous avez trouvé une bonne idée, vous pouvez commencer à la développer. L’avantage d’une micro-startup, c’est que normalement votre idée ne devrait pas demander trop de temps ni de moyens pour être mise en œuvre. Profitez-en pour la jouer « sous-marin » : bossez dessus le soir et le week-end ; ne plaquez pas tout d’un seul coup pour créer votre entreprise, mais posez patiemment les bases de votre réussite.

Si vous sentez que votre idée réclame des ressources supplémentaires pour naître dans de bonnes conditions, faites appel à des développeurs free-lance, avec qui vous pourrez travailler à distance et qui vous coûteront moins cher que des prestataires d’une société de services. Quelques fois, vous avez intérêt à lancer votre produit ou votre service rapidement, pour le confronter au marché, plutôt que de passer du temps à le faire aller dans une mauvaise direction. À vous d’évaluer l’intérêt en fonction du coût.

Faire connaître son activité

Si vous avez trouvé une idée adéquate, votre business générera immédiatement du chiffre d’affaire. Le but est maintenant d’augmenter ce chiffre d’affaires pour qu’il devienne un bénéfice.

  • La publicité online est un moyen simple et peu couteux de tester différentes approches publicitaires. Attention, certaines expressions sont assez bataillées, et donc assez chères, même sur des marchés de niche.
  • Les magazines spécialisés bénéficient souvent d’un lectorat très intéressant. Tentez de négocier les prix pour un encart publicitaire, en arguant que si le test est concluant vous investirez un budget publicitaire plus conséquent.
  • Tentez de créer un buzz en faisant parler de votre produit. Quelques posts sur des forums concernés, quelques messages à des blogueurs qui pourraient être intéressés, et cela peut suffire. Par contre ne tombez pas dans le spam, ça aurait l’effet inverse.
  • Quand vous commencerez à avoir un nombre appréciable de clients, essayez de dégager les profils-types des clients les plus rentables. Ensuite, essayez de cibler ces clients-là dans vos messages publicitaires en ligne.
  • Pensez à établir des partenariats qui vous permettraient de vous faire connaître plus rapidement. Mais attention, c’est à double tranchant. Refusez les partenaires qui vous demandent des aménagements de votre offre qui vous pousseraient à passer un temps de développement inconsidéré.
  • En réponse à la loi de Pareto, essayez d’identifier les 20% de vos clients qui génèrent 80% de vos revenus. Choyez-les !

L’objectif final

Comme je le disais plus haut, quand on crée une startup classique, on cherche des investisseurs, pour amener notre entreprise au stade supérieur, celui où elle sera devenue une « vraie » entreprise.

Avec une micro-startup, les choses sont plus simples. Vous ne perdez pas de temps, vous amenez directement votre entreprise à un stade où elle pourra se faire racheter. Car il ne faut pas se voiler la face : l’objectif final n’est pas de créer une entreprise pérenne qui assurera votre salaire pendant les 25 prochaines années. Non, le but est de créer une entreprise pleine de vitalité, qui deviendra pérenne dans les mains de quelqu’un d’autre, et qui fera de vous quelqu’un de riche (ou en tout cas, plus riche qu’en ce moment).

Donc, une fois que votre business fonctionne bien, qu’il est en plein essor, il faut essayer de le revendre et de passer à autre chose. Il y a de bonnes raisons à cela : Vous aurez sûrement besoin d’investissements pour augmenter votre vitesse de développement, ou de diversifier votre activité pour assurer les sources de revenus. Ce sont autant de choses que vous n’êtes pas forcément en mesure de réaliser sans prendre un risque qui pourrait mettre votre activité en péril.

Trouver une personne ou une entreprise intéressée par l’achat de votre micro-startup n’est pas facile, mais ce n’est pas pire que de trouver un investisseur prêt à acheter vos actions. Je vous conseille 3 axes de recherche :

  • Les entreprises qui sont déjà présentes sur le même marché de niche, et qui ont des produits complémentaires ou concurrents (mais qui fonctionnent moins bien). Si ce sont des entreprises bien établies, elles pourraient assez facilement développer votre activité et l’amener au niveau supérieur. Le fait que vous soyez déjà rentable et en pleine expansion limite la prise de risque pour eux.
  • Les entreprises qui opèrent dans des secteurs différents, mais qui souhaiteraient se diversifier. La difficulté est d’entrer en contact avec elles.
  • Les personnes et les entreprises qui sont intéressées par l’achat de petites boîtes, qui sont motivées par le défi de les amener au stade supérieur.

Ce qui est certain, c’est que les acheteurs ne vont jamais se bousculer à votre porte. Tout au long de la vie de votre micro-startup, vous devez activer tous vos réseaux. L’information importante peut venir d’un ami entrepreneur, d’un concurrent avec qui vous échangez intelligemment, d’un investisseur qui tâte le terrain, … Vous ne pouvez pas savoir à l’avance, alors ne vous fermez aucune porte.

Savoir arrêter

Une micro-startup se destine à rester un petit projet, facile à réaliser – bien qu’ambitieux – et rapide à lancer. Il faut être prêt à abandonner le projet dès qu’il le faut. Plusieurs cas sont concernés :

  • Le projet s’avère plus compliqué à monter que prévu. Le scooter des mers, rapide et agile, ne doit pas se transformer en lourde péniche qu’on a du mal à manœuvrer.
  • L’étude de marché était incomplète et vous découvrez qu’un important concurrent commence à phagocyter une part de marché de plus en plus importante. Soit vous êtes certains que votre produit reste meilleur et que vous pouvez le mettre facilement en avant, soit vous abandonnez avant d’avoir dépensé plus de temps et d’argent en vain.
  • Votre produit se vend beaucoup plus difficilement que prévu, ou génère moins de revenus qu’escompté. Si votre micro-startup n’a aucune chance d’être rentable à court terme, passez à autre chose.
  • Malgré vos efforts, vous ne trouvez pas d’acheteur pour passer la main au bout d’un délai raisonnable. Suivant le projet, votre investissement en temps et en argent, vos ambitions, ce délai peut varier de 3 mois à 2 ans.

11 commentaires pour “Créer une micro-startup

  1. Bonjour!

    Je tiens à remercier l’auteur de cet article pour sa qualité! C’est un excellent travail de réflexion!

    Bravo,

    Denis

  2. bjr, je suis sur le point de monter une micro start. je suis sur de rien mais votre article ma donné a réflechir,
    domage de ne pas pouvoir converser ensemble, merci il me reste plus qu’a travailler, on entendra parler de moi prochainement ….. fab

  3. qui deviendra pérenne dans les mains de quelqu’un d’autre

    il faut essayer de le revendre et de passer à autre chose

    J’ai enormément de mal à me faire à ces idées, pourquoi abandonner un projet qui nous tient à coeur depuis longtemps .

    Pourquoi comme tu le dis ne pas « créer une entreprise pérenne qui assurera votre salaire pendant les 25 prochaines années ? »

    Il est vrai que l’idée de vendre est bonne mais frustrante en même temps . Un projet qui me tiens à coeur depuis de nombreuses années mais je n’avais pas vraiment les compétences pour le réaliser ce qui n’est plus le cas maintenant.

    Imaginons que ce projet soit un produit hébergé et comme on lit souvent « une machine à cash » , pourquoi revendre ?

    Pourquoi pas laisser tourner cette « machine à cash » et se concentrer sur un autre projet ?

    Encore une fois bon article, je pense que je le relirais 3-4 fois

  4. @Pierre-Yves : Je parle dans cet article du concept de micro-startup, de ses avantages et de ses inconvénients. Une micro-startup est différente d’une startup classique ou d’une PME.

    Pour commencer, je ne crois pas qu’il existe de véritable « machine à cash » qui soit capable de générer du revenu sur le long terme sans qu’on s’en occupe. Dans tous les cas, même après avoir assuré le développement et après avoir réduit tous les points de friction, il faudra continuer à travailler l’offre commerciale, s’assurer de la visibilité du service/produit, observer la concurrence, et réagir aux modifications du marché. Sinon la machine à cash va finir par péricliter et s’éteindre d’elle-même. C’est dommage, quelqu’un d’autre aurait peut-être pu y mettre sa connaissance et son énergie pour la faire passer à l’étape supérieure.

    Il est tout à fait possible de créer une petite entreprise, et de la développer jusqu’à en faire une multi-nationale. Certaines personnes l’ont fait. Mais habituellement, chaque étape de la vie d’une entreprise réclame des compétences différentes. Une startup de 2 personnes n’aura pas les mêmes contraintes ni les mêmes besoins qu’une PME de 50 personnes, elle-même différente d’un entreprise de 150 salariés. C’est extrêmement rare que la même personne soit la bonne personne pour accompagner l’entreprise dans toutes ces étapes.

    Le message global au sujet des micro-startup, c’est de dire qu’il est assez facile de démarrer une petite activité. Si on reste raisonnable, cela ne demande pas beaucoup de ressources. Par contre, il faut rester lucide par rapport à ses propres capacités. Quand on est aveuglé par la passion, on peut vouloir à tout prix rester à la tête de l’entreprise qu’on a créé ; mais alors on ne se rend pas compte qu’il nous manque certaines qualités pour permettre à cette entreprise de grandir pour passer à la vitesse supérieure.
    Avec une micro-startup, les enjeux sont connus. On crée un projet simple et souple. On le porte à bout de bras, mais au moment où l’entreprise doit changer de taille (embaucher plusieurs collaborateurs, chercher des locaux, trouver des investisseurs), il est alors temps de la revendre à quelqu’un qui en est capable.

    Si vous savez déjà que vous êtes capable de porter votre entreprise bien plus loin, c’est que vous avez déjà en main tout ce qu’il faut pour créer une véritable PME. Je n’oppose pas ces deux possibilités, je pointe juste du doigt que les micro-startups sont un choix tout à fait honorable pour ceux qui veulent créer une entreprise mais qui n’osent pas, parce qu’ils sont effrayés par tout ce qu’impliquent les startups et les PME classiques.
    Si vous avez envie, lancez-vous ! Restez humbles quant à vos moyens et vos ambitions, définissez des objectifs raisonnables, mais utilisez cela de manière créative. Et sachez laisser tomber s’il le faut.

  5. Un article très intéressant. Je découvre avec plaisir votre blog qui vient d’atterrir dans mes favoris 🙂

  6. Il faut essayer de revendre et passer à autre chose

    Je sais que cette phrase a déjà été discutée mais je me permets d’y réagir à mon tour. Je trouve cette vision un peu péremptoire. Revendre son entreprise devenue trop grosse pour ses petites épaules est effectivement très sage si on souhaite conserver sa souplesse et son indépendance…

    Mais on peut aussi imaginer que l’entrepreneur n’est pas motivé uniquement par des stratégies et calculs financiers, on peut aussi imaginer des entrepreneurs qui sont motivés par leur projet en tant que tel, parce-que leur projet a une impact sur la société, parce-que leur projet donne sens à leur engagement professionnel,… Heureusement que certains entrepreneurs croient à la valeur de leur projet au delà des chiffres, non ?

    Je pense par exemple à Marc Zuckerberg. Lorsque Facebook a commencé à montrer le bout de son museau et à grossir, Yahoo est venu avec son gros chèquier pour proposer de racheter « le truc » à ce jeune étudiant boutonneux. Souvenez-vous de la réponse du jeune boutonneux… http://www.journaldunet.com/ebusiness/le-net/offres-de-rachat-de-facebook/yahoo.shtml

    Besoin de se faire accompagner oui…mais pourquoi quitter absolument le navire ?

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