Choisir un nom est souvent une étape bizarre. On a envie de trouver le bon nom, celui qui reflétera au mieux l’énergie et l’ambition qu’on place dans notre nouveau « bébé », qui sera le plus attractif, qui sonne le mieux à l’oreille…
Oui mais voilà, des fois on a beau se creuser la tête, il n’y a rien qui nous vient à l’esprit naturellement. Et pendant qu’on passe du temps à chercher, on risque de bloquer l’avancée du projet ; comme le nom apparaît partout, il est difficile de démarrer sans. Alors parfois on finit par prendre un nom à la va-vite, le moins mauvais qu’on avait trouvé, au risque de se le trainer pendant un bon bout de temps.
Dans le titre de ce billet, j’ai listé trois types de noms : celui qu’on veut donner à une entreprise, à un produit ou à un projet. Il y a de subtiles nuances entre chaque.
Entreprises
Un nom d’entreprise doit être à la fois parlant et facile à retenir, tout en étant assez générique pour ne pas limiter le champ d’activité. Idéalement, il faut prévoir un nom qui sonne agréablement dans toutes les langues, ou tout au moins les marchés qu’on souhaite attaquer (et l’anglais désormais incontournable).
Prenons l’exemple de Motobecane, dont le nom est quand même très connoté « 2 roues » et « franchouillard » ; ils ont fini par changer pour un nom plus neutre (MBK). Par contre, Peugeot produit aussi bien des voitures que des scooters, des vélos et des perceuses.
Une marque pourra être connue et reconnue comme telle, mais cela pourra prendre du temps. Si elle réussit à se faire connaître, son nom facilement identifiable lui permettra de se démarquer des autres. Consécration suprême − et dangereuse ! − il pourrait être utilisé comme nom commun (comme Frigidaire ou Kleenex).
Produits
Un nom de produit peut avoir de multiples facettes.
Il peut être totalement descriptif (iPhone), basé sur un mot commun (le Hero est un concurrent de l‘iPhone), utilisant un prénom (la Mégane est une voiture) ou complètement énigmatique (Zorap est un site de discussion vidéo).
- Un nom descriptif a l’avantage de simplifier l’effort cognitif nécessaire pour associer le nom au produit. S’il suffit à faire comprendre au client de quoi il s’agit, vous n’aurez pas besoin d’y ajouter une explication inutile. Par contre, le produit risque d’être considéré comme quelque chose de « générique » sans personnalité propre.
- Autant un nom totalement abstrait peut être choisi pour désigner une entreprise, autant c’est rarement une bonne chose pour un produit. Sincèrement, vous voudriez manger des gâteaux qui s’appelleraient « Krakastor » ?
Une chose à prendre en compte quand on cherche un nom de produit, c’est que le nom de domaine correspondant soit disponible avec l’extension « .com ». Il est possible d’être créatif à ce niveau (comme le logiciel Backpack disponible à l’adresse « backpackit.com »), mais rien ne remplace la simplicité de pouvoir taper le nom du produit directement dans la barre d’adresse d’un navigateur.
Projets et noms de code
Le cas des noms de projets est très particulier. Un projet est la plupart du temps à destiné à un usage interne, ou tout au moins à une audience limitée. C’est en ce sens qu’on peut assimiler un nom de projet à un nom de code. D’ailleurs, combien de produits ou projets utilisent d’abord un nom de code en attendant de trouver leur nom définitif ?
Malgré les apparences, il y a certaines précautions à prendre.
La première est de ne pas céder à la rapidité qui pourrait amener à utiliser des noms à la théorie éthérée qui les détachent complètement du projet lui-même. À moins d’être une « usine à design » produisant un très grand nombre de projets, évitez de les numéroter. C’est une pratique courante chez les constructeurs automobiles pour référencer leurs prototypes internes. Mais pour une entreprise plus modeste, il devient vite difficile de se rappeler la différence entre le projet P17 et le P28 sans faire appel systématiquement à une documentation…
La plus importante des précautions est de se dire que, même avec la plus grande prudence, il y aura forcément un moment où un email sera transmis à la mauvaise personne, ou un lien sera envoyé prématurément au client. Bref, le nom utilisé quittera le cercle interne. Alors il faut absolument bannir tous les noms au goût douteux, les acronymes rigolos mais peu présentables, les private jokes qui risquent de ne pas rester privées.
Soyons simples et réalistes. On peut nommer un projet personnel comme on le souhaite, mais c’est une liberté dangereuse dans le cadre professionnel. Les contraintes étant faibles, soyez créatif en choisissant vos noms de code, tout en vous disant qu’un nom temporaire peut devenir définitif.
Quelques petits trucs
Je discutais il y a quelques temps (près de 10 ans, en fait) avec l’écrivain Mathieu Gaborit au sujet des noms de ses œuvres. Et il m’avait donné un truc simple et limpide. Il cherche à transformer des mots de la langue française, en les tronquant ou en les modifiant de manière à leur donner une consonance subtilement originale. À mon sens, les meilleurs exemples de cela sont ses jeux de rôle Agone et Abyme.
On peut aussi chercher des idées du côté des racines grecques ou latines. La première entreprise pour laquelle j’ai travaillé est Arkeia, un éditeur de logiciel de sauvegarde en réseau.On ne voit pas immédiatement le rapport entre « arkeia » et « archive », mais quand on le sait ça devient évident.
Dans le pire des cas, si vous avez une panne complète d’inspiration, vous pouvez créer un acronyme neutre. Il est très difficile de faire connaître un acronyme, mais ça vaut toujours mieux que de choisir un très mauvais nom. Ainsi, tout le monde connait IBM (International Business Machines), dont le nom n’évoque rien de spécial − en dehors de ce que le marketing nous a fait associer à cette marque au fil du temps. C’est toujours préférable à « gogol » (le nombre 10 puissance 100), le nom qu’aurait dû avoir l’entreprise Google si ses créateurs ne s’étaient pas trompé d’orthographe (certaines versions disent qu’ils se sont juste inspirés, d’autres qu’ils ont vraiment fait une erreur).
Heu, très bon billet. Belle qualité d’écriture. Bravo pour le fond *et* la forme.
Merci ! 🙂
Peugeot fabrique aussi des moulins a poivre de tres haute qualite…ce sont voire meme les meilleurs qu’on puisse trouver sur le marche