J’ai entendu récemment un échange qui m’a amusé, entre un oncle et une tante.
Elle de dire :
Mais tu ne m’écoutes pas ?
Et lui de répondre :
Je ne peux pas, tu parles tout le temps !
Derrière cette blague potache, on peut toutefois discerner une vérité universelle. Dans un flot incessant de communication, il devient difficile de faire le tri entre les informations pertinentes et celles qui ne le sont pas.
Dans le monde de l’entreprise, cela est d’autant plus vrai que le nombre d’interlocuteurs est souvent bien plus grand que dans le cadre plus restreint de la sphère familiale proche. Chaque nouvel intervenant sur un projet communique à son tour en direction de toutes les autres personnes concernées, ce qui démultiplie les échanges.
C’est toujours pareil
J’imagine que cela a dû vous arriver, d’effacer plusieurs dizaines d’emails que vous aviez reçu dans la même journée, et qui ne véhiculaient aucune information réellement utile pour vous. Et si vous réfléchissez bien, vous vous souviendrez que vous en avez vous-même envoyé un certain nombre dans la même journée.
Pourquoi envoie-t-on ce genre d’email ? Les raisons habituelles sont, en vrac :
- Pour transmettre l’information à tous ceux qui pourraient en avoir besoin.
- Pour élargir une discussion, s’assurer que notre désaccord avec Untel sera connu de tous.
- Pour faire passer ses choix en douce («Comment ça tu n’es pas au courant ? Je l’ai proposé dans un email il y a 3 semaines et tu ne m’as pas dit non !»).
- Pour se couvrir, en rejetant la faute sur les autres («Ça fait 2 mois que je vous préviens qu’on n’y arrivera pas, à raison de 15 emails par jour !»).
Et quand ce n’est pas par email, ça peut prendre la forme de blogs ou de forums d’entreprise dont le rapport signal/bruit décroit au fur et à mesure que la quantité d’information échangée augmente.
Le pire, c’est qu’on a tous fini par s’habituer à cet état de fait. On a l’impression que c’est comme ça depuis toujours, et il n’y a aucune raison pour que ça change.
Mais on peut éviter ça
Toutes les entreprises devraient pourtant essayer de contrer cette vague incontrôlée de communications inutiles. Parce que le temps perdu par le traitement de ces informations finit par générer des coûts injustifiables.
La bonne nouvelle, c’est qu’il n’y a pas obligatoirement besoin d’une politique d’entreprise globale. Chacun peut commencer par mettre en place des habitudes différentes avec juste ses collègues les plus proches ou son équipe de projet.
La méthode tient en quelques points simples :
- Avant de transmettre une information, demandez-vous :
- Est-ce le destinataire en a vraiment besoin. S’agit-il d’une information nécessaire pour accomplir son travail ?
- Est-ce que le vecteur d’information est le plus adapté ? Les échanges d’emails ne sont pas adaptés aux assignations de tâches ni aux partages de documents.
- Faites ce qu’il faut pour que l’information soit rapidement identifiable par son destinataire :
- S’il s’agit d’un email, donnez-lui un titre explicite, et préfixez-le avec le nom du projet concerné. Sur d’autres systèmes d’information, utilisez intelligemment les labels ou tags disponibles.
- Synthétisez le contenu de ce que vous voulez transmettre. N’imposez pas aux autres de devoir lire une prose de trois kilomètres de long, ou de devoir relire un échange de 25 emails pour comprendre de quoi il en retourne.
Mon expérience
Évidemment, ce n’est pas toujours facile de simplifier les échanges. On se retrouve parfois dans des situations cocasses, avec des personnes qui se sentent offensées de ne pas avoir été mises en copie d’un email qui ne leur servait à rien, ou d’autres qui déploient des trésors d’ingéniosité pour couvrir leurs arrières de manières nouvelles et originales (comme par exemple en utilisant la « politique de réduction » pour justifier l’absence d’information sur le retard pris par leur projet, alors que plusieurs réunions auraient permi de le faire de toute manière).
De mon côté, je demande à ce que les emails qui me sont envoyés soient préfixés par le nom de projet entre crochets (c’est une convention très répandue). Quelques exemples :
- [IT] Problème serveurs résolu
- [ComprendreChoisir] Ajout fonctionnalité de tri sur page produits ?
- [corporate] On n’a plus de PQ
Je préviens régulièrement mes interlocuteurs qu’un message mal titré sera lu avec beaucoup de retard. Ce n’est pas une volonté de ma part, c’est juste que j’ai au final assez peu de temps à consacrer à mes emails, et je me retrouve parfois plongé dans du boulot jusqu’au cou pendant plusieurs heures. Un message mal titré n’éveillera pas ma curiosité, et risquera d’être lu seulement en fin de journée.
Par ma place de directeur technique, un grand nombre de messages « informatifs » me sont envoyés, qui ne sont là que pour me permettre de garder un œil sur la progression des projets. Je n’y vois pas d’inconvénient, dans la mesure où ces messages ne sont pas prioritaires (ils ne seront peut-être pas lus) et que les mêmes informations arrivent jusqu’à moi lors des réunions quotidiennes que je fais chaque matin avec mon équipe.
Mais j’essaye d’inciter l’ensemble des personnes de mon équipe à réduire la quantité de messages échangés, et à se poser les quelques questions que j’ai cité plus haut. Cela prend du temps, mais c’est utile.