Le livre Reinventing Organizations est un best-seller dont une version illustrée a été éditée. J’ai acheté cette version, qui met son contenu en scène à travers des illustrations bien réalisées.
Le livre se découpe en trois parties :
- La première est consacrée à une étude de différents types d’organisations existants, avec un focus sur l’émergence d’un nouveau type plus moderne.
- La deuxième partie explique ce nouveau type, à travers les concepts qui se retrouvent dans les cas où ce genre de management a été mis en œuvre.
- La troisième partie donne des outils pour aider à la mise en place de ces principes au sein d’une organisation.
Ce livre est vraiment intéressant. Que l’on soit d’accord ou non avec ce qu’il présente, tout bon manager (même les mauvais) devrait le lire pour s’ouvrir aux concepts qui y sont abordés.
Je ne vais pas détailler les trois parties du livre, mais pour vous donner envie de le lire, je vais vous résumer les différents types d’organisations qui y sont décrits. L’auteur donne une couleur à chaque type (on peut trouver ça bizarre, mais au final ça marche plutôt bien).
(Je vais paraphraser certains passages, et reproduire quelques illustrations. Encore une fois, le but est de vous faire connaître ce livre, pas d’en faire un plagiat. Je vais mettre des citations quand les mots du livre le mériteront.)
Rouge − Stade impulsif
Au début de l’humanité, il n’y avait pas d’organisation réelle. Il y a environ dix mille ans, avec l’apparition de groupes plus larges, est apparu le rôle du chef, garant de l’ordre. Le pouvoir s’exerce de manière brutale s’il le faut.
Les groupes qui suivent ce type d’organisation sont régis par la loyauté et la peur du chef. En cela ils ressemblent à des meutes. Tant que le chef est fort, qu’il n’est pas trop gourmand et qu’il s’occupe de ses sujets, il reste en place ; sinon il risque de se faire renverser.
Ces organisations ne sont pas très stables mais sont efficaces en situation chaotique.
Ce type d’organisation s’est constitué quand des groupes ont eu besoin d’en attaquer d’autres. On peut y voir le même fonctionnement dans la Mafia ou les gangs de quartiers, ainsi que dans les PME dont le président-fondateur exerce un pouvoir tous azimut sans se soucier des processus ou de l’organisation mise en place.
Dans le contexte de son apparition, cette méthode d’organisation apportait deux nouveaux concepts : la division du travail et l’autorité hiérarchique.
Ambre – Stade conformiste
Il y a environ 4 000 ans, les sociétés sont devenues plus grosses et complexes. Pour contrôler les mauvais côtés de l’organisation Rouge, il a fallu hiérarchiser la société en classes rigides, s’autodisciplinant autour d’un but commun. Le conformisme et la certitude permet à chacun de s’intégrer en se conformant à ce qui est prôné, avec une définition claire du bien et du mal.
Ce système est encore très répandu. Les meilleurs exemples en sont l’armée, l’Église, les administrations ou encore les universités, qui forment des pyramides hiérarchisées strictes.
Ce type d’organisation a apporté des processus stables et reproductibles. Les connaissances ne sont plus liées aux personnes ou au pouvoir, mais sont intégrées au système ; personne n’est alors irremplaçable.
Contrairement aux organisations Rouge, les organisations Ambre sont bien plus stables. Chacun connaît sa place et s’identifie à son rôle. Il n’y a pas une lutte continuelle pour le pouvoir, car le système ne repose pas sur la puissance du chef qui est validée uniquement par le fait que personne ne réussit à le renverser.
Le revers de la médaille est que ce système présuppose qu’il n’y a qu’une seule façon correcte de bien faire les choses (celle qui vient d’en-haut). Cela implique une vision où le monde est immuable ; ces organisations ont alors du mal à s’adapter aux changements qui s’opèrent autour d’eux.
Orange − Stade de la réussite
Avec les révolutions industrielles et scientifiques, le monde n’est plus perçu comme un système stable. Les principes scientifiques de compréhension du monde par son observation s’appliquent alors, pour en appréhender le fonctionnement et chercher à l’optimiser. Il devient alors envisageable d’avoir plus de réussite si on est plus efficace, plus rapide ou plus innovant que les autres.
La vision Orange peut être résumée par la possibilité de se dire «et si… ?». Cela a permis de se libérer de carcans et d’oppressions, de remplacer les castes et la féodalité par la démocratie.
Au niveau des entreprises, elles deviennent observables et améliorables telles des machines, dont chacun représente un rouage et dont on peut dessiner les plans (de la structure organisationnelle).
Ce type d’organisation a autorisé l’avènement de l’innovation, qui n’était pas quelque chose d’envisageable dans les organisations Ambre (car le monde était vu comme un système immuable). Il devient possible de faire mieux que les autres.
Les organisations Orange ont aussi amené à une responsabilisation de leurs membres. Les cadres dirigeants ne donnent plus des ordres à suivre à la lettre, mais des objectifs de réalisation, avec une certaine liberté de moyens pour les atteindre.
Cela a aussi amené à mettre en place la méritocratie, qui permet à tous d’atteindre les postes supérieurs à condition de s’en montrer capable, là où auparavant la caste de naissance marquait le destin à jamais.
Les organisations Orange ont toutefois des mauvais côtés. Pour le premier d’entre eux, je vais citer le livre (parce que j’aime particulièrement ce passage) :
L’innovation folle : les besoins fondamentaux étant satisfaits, les entreprises s’efforcent d’en créer de nouveaux, en alimentant l’illusion qu’une foule de choses qui ne correspondent à rien de réel nous apporteront bonheur et plénitude. Nous en sommes arrivés à rechercher la croissance pour la croissance, ce qui est la définition même du cancer. D’où une économie prédatrice qui épuise les ressources naturelles et détruit des écosystèmes vitaux.
L’autre aspect négatif est une vision complètement matérialiste. Tout le monde peut atteindre le sommet de la pyramide, ce qui devient alors le symbole de la réussite. L’argent et la reconnaissance sont alors les seuls critères de succès.
Vert − Stade pluraliste
La vision pluraliste Verte essaye de gommer les travers du stade Orange (matérialisme, inégalités, dommages environnementaux, …) en ramenant le sens de la communauté, en rétablissant des relations harmonieuses entre ceux qui composent la société.
Les entreprises sont alors vues comme des familles ou des communautés, et non plus comme des machines sans âme.
Chacun a sa place et veille sur les autres, le bonheur de chacun contribue au succès de l’ensemble.
Le stade Vert est synonyme de minimisation des hiérarchies. Les salariés ont plus d’autonomie et peuvent prendre des décisions. Le management est à leur service pour les accompagner et les motiver, plutôt que pour les diriger.
Les valeurs d’entreprise sont là pour inspirer et donner des repères aux salariés, en lieu et place des règlements et jeux politiques qui étaient utilisés pour « maintenir les salariés dans le rang ».
La culture est souvent la priorité du dirigeant d’une entreprise Verte.
(À ce propos, je vous conseille évidemment la lecture de mon récent article sur le sujet.)
Dans une entreprise Pluraliste, l’ensemble des parties prenantes sont respectées.
[Une entreprise Verte] est responsable devant les salariés, les clients, les fournisseurs, la communauté locale et la société civile dans son ensemble, et enfin devant la planète et qu’elle doit leur faire droit à tous.
Ce type de management est visible dans des associations, des ONG et de l’entrepreneuriat social, mais de plus en plus d’entreprises classiques s’y mettent.
Elles doivent pourtant faire face à une contradiction. Comment être égalitaire et chercher le consensus tout en conservant une hiérarchie pyramidale ?
Comment se prennent les décisions ici ? Est-ce par consensus ou est-ce le patron qui a le dernier mot ? En pratique, il s’agit souvent d’un mélange informe des deux.
Mettre l’accent sur le consensus mène à la paralysie, et des jeux politiques négatifs apparaissent pour redonner de l’élan.
Les cas qui fonctionnent semblent privilégier l’autonomisation plutôt que le consensus. Ces structures aimeraient souvent se débarrasser de la pyramide, mais ne trouvant pas comment y arriver, elle la garde tout en demandant aux managers d’accepter de perdre une partie de leurs pouvoirs au bénéfice de leurs subordonnés.
Opale − Stade évolutif
Une fois que tous ces types d’organisations ont été étudiés, il reste encore à imaginer l’étape suivante. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des exemples de structures qui ont su se réinventer ou mettre naturellement en place un nouveau paradigme organisationnel.
Le livre décrit ensuite des exemples d’organisations à la fois plus innovantes et plus humaines. Il explique les mécanismes humains qui sont mis en œuvre, et explore les besoins et situations qui doivent être repensés en entreprise pour fonctionner de manière nouvelle.
Mais ça, je vous laisse le découvrir vous-même 😉