L’honnêteté est généralement considérée comme une qualité humaine. Mais bizarrement, ce n’est pas une vertue très courante dans le monde professionnel.
Pourtant, c’est une approche qu’il faut chercher à avoir, car elle facilite grandement le travail, aussi bien quand on parle du boulot d’un développeur que de l’image d’une entreprise.
Au niveau individuel
Quand on commence à travailler, quelle que soit la branche, on a tendance à prendre assez mal les critiques. C’est le syndrôme du « petit enfant pris en faute » ; on s’en veut énormément, on a l’impression d’être en dessous de tout, et parfois on devient rouge pivoine. Avec le temps, on apprend à prendre sur soi, à faire la part des choses ; on arrive à comprendre les remontrances et à les intégrer pour progresser professionnellement, sans pour autant que cela devienne un traumatisme.
Mais cela peut avoir aussi un effet pervers. Quand on est un débutant, on remet peu en cause les remarques qui nous sont faites. Plus on progresse, plus on se sent à l’aise, et plus notre expérience professionnelle nous fournis des « armes » qui nous permettent d’embobiner nos interlocuteurs.
Combien de fois ai-je vu des gens expérimentés qui, lorsqu’ils se prenaient une remarques parce qu’ils avaient mal fait leur boulot, tournaient autour du pot pendant des heures, à expliquer pourquoi les choses s’étaient mal passées, que ce n’était pas de leur faute, qu’ils attendaient quelque chose d’un collègue, que c’était forcément un concours de circonstances, qu’il fallait incriminer les tâches solaires et les phases de la lune !
À chaque fois, il aurait été plus simple, plus rapide et plus professionnel, de répondre simplement « Ah oui, c’est ma faute. J’ai oublié tel truc ou j’ai mal fait telle chose ».
Vouloir cacher ses erreurs, c’est s’infantiliser soi-même. Reconnaître ses erreurs montre que l’on a acquis la maturité nécessaire pour pouvoir travailler en équipe. Pour se faire respecter par ses collaborateurs, il faut les rassurer quant à notre transparence.
Sincèrement, vous feriez confiance à quelqu’un qui cherche à couvrir ses erreurs ? Évidemment que non ! Vous auriez sans cesse peur de tomber sur un gros problème que cette personne vous aura caché. Comment aider quelqu’un à résoudre un soucis, si on n’est pas au courant de ce soucis ?
Dans le monde de l’entreprise, le plus important est que le travail soit fait. Personne n’est là pour distribuer les mauvais points.
Si une personne fait une erreur, l’important est de corriger le problème, puis de s’assurer que l’erreur ne sera pas reproduite.
Mais l’honnêteté, ce n’est pas simplement de reconnaître ses erreurs. C’est aussi de se connaître soi-même, de connaître nos points forts et nos limites. Faire ce qu’il faut pour se voir affecter un travail qui nous passionne est une bonne chose, car on sera efficace. Par contre, ne pas faire une tâche qui nous est affectée parce qu’elle ne nous intéresse pas, ce n’est pas productif.
Je préfère cent fois qu’un de mes développeurs me dise qu’il a du mal à terminer une tâche parce qu’elle est pénible, au lieu de la laisser de côté sans s’en occuper. Parce qu’on peut chercher ensemble les solutions pour rendre les choses plus faciles ou plus rapides.
Toute cela a toutefois un corrolaire qu’il ne faut pas oublier : Quand on a la charge de gérer une équipe, il faut mettre ses collaborateurs dans les bonnes conditions qui favoriseront les communications transparenetes. Si quelqu’un se fait un jour « allumer » parce qu’il a fait une grosse boulette, il cachera à coup sûr ses erreurs suivantes.
C’est une réelle erreur de management. S’énerver, voire même humilier publiquement un employé, est une technique que certaines personnes utilisent pour mettre la pression sur une équipe. Mais c’est une pression malsaine. Les reproches ne corrigent pas les bugs ; il vaut mieux chercher ensemble les moyens de corrier les problèmes, puis de s’assurer qu’ils ne puissent pas se reproduire.
Au niveau de l’entreprise
J’ai vu pas mal de petites boîtes qui cherchaient à se donner l’image d’une multinationale. Ou des entreprises françaises qui faisaient tout pour faire croire qu’elles étaient américaines. C’est ridicule, parce qu’un jour ou l’autre les clients s’en rendent compte et leur confiance diminue.
Il est bien plus efficace de se présenter tel qu’on est. Expliquer à ses clients qu’on est une petite entreprise n’est pas négatif. On peut expliquer qu’on est concentré sur un seul produit, que nos clients sont privilégiés car en contact direct avec les créateurs du produit, que nous gagnons en réactivité ce qu’on ne peut pas offrir en garanties contractuelles.
Un nombre croissant de startups comprennent cela, et en font un outil marketing en communiquant de manière personnelle à grand renfort d’outils Web comme des blogs d’entreprise ou du micro-blogging (Twitter, par exemple). Et cette stratégie fonctionne souvent de manière bien plus efficace que des campagnes marketing coûteuses. Nous seulement les entreprises y gagnent en visibilité, mais aussi en crédibilité.
Prenons l’exemple des hébergeurs qui proposent la location de serveurs dédiés. Ils proposent tous des garanties de service, qui vous assurent qu’en cas de problème technique votre serveur sera réparé en un temps raisonnable. Si ce n’était pas le cas, des pénalités financières s’appliqueraient, ce qui rassure quant aux efforts que l’hébergeur fera pour maintenir ses services.
Mais si on y regarde bien, les pénalités s’expriment souvent en pourcentage du coût mensuel du serveur, par heure de retard. Et on peut vite calculer qu’un retard de quelques heures ne coûte que quelques euros, voire quelques dizaines d’euros, mais jamais plus. Par contre, une indisponibilité de service de plusieurs heures implique souvent un énorme manque à gagner pour l’entreprise qui utilise le serveur.
Donc au final, l’important n’est pas tant de savoir qu’on peut taper un peu sur les doigts de l’hébergeur, que de se renseigner sur son implication réelle dans la résolution rapide des problèmes. Pour se démarquer les uns des autres, de nombreux hébergeur font un travail de communication pour montrer les équipes qui travaillent dans les datacenters. Quand les clients connaissent personnellement les personnes qui sont à leur service (ou ont l’impression de les connaître), on dépasse la simple relation client-fournisseur, et on établit les bases d’une collaboration durable.
Si on a vu éclore les blogs d’entreprise, si on voit fréquemment les employés participer aux forums produits, si des commerciaux envoient des lettre manuscrites à leurs clients, ce n’est pas pour rien.
Je commentes tard mais j’ai un exemple qui correspond à la première partie.
Le mois dernier, on a fait appel à un ingénieur de Microsoft pour faire un audit d’un serveur utilisant l’un de leur produit, mon équipe étant en charge du serveur.
Nos chefs nous avait proposé cet audit et on avait sauté sur l’occas car on savait que le serveur était bancale.
Pendant l’audit, l’ing de Microsoft était étonné car on avait préparé un pc pour lui et on l’aidait au max. En général ça se passait assez mal, l’équipe freinant l’audit.
Sur le coup ça m’a étonné, mais en y repensant j’ai compris que c’était justement dû à deux choses:
-nous avions été francs avec nos chefs en avouant que le serveur avait des vices cachés qu’on ne trouvait pas
-nos chefs nous avait fait comprendre que l’audit n’était pas pour nous juger
C’est justement l’honnête dont tu parles, surtout le deuxième point, comme l’audit n’était pas un piège on l’a poussé au maximum. Ce n’est pas pour casser du sucre sur les chefs, mais c’est pour insister sur ce point, il faut répéter à l’équipe qu’on ne cherche pas à les piéger.
Ps: pour notre audit j’étais confiant et j’ai pas eu tord: sur la 20aine de points vérifiés, un seul était bon XD … ça me fait un tonne de boulot maintenant T_T
Re-Ps: du coup on veut un audit l’année prochaine pour montrer que tout est vraiment ok (oui, je suis toujours trop confiant 😉 )
Merci pour ce retour d’expérience. C’est intéressant.
Avec 4 années de retard tout va bien, ne vous inquiétez pas.
« Personne n’est là pour donner de mauvais points »
L’honnêteté paie dans un monde vertueux où seules les valeurs travail et satisfaction client priment, sauf que dans nos organisations franco-françaises aux manageurs issus de l’ « école » française, les personnes pré-citées cherchent d’abord à savoir d’où (=de QUI) vient l’erreur, ensuite comment remédier au problème, finalement, comment sanctionner le fautif et en option, comment faire pour que l’erreur ne se reproduise plus. A nuancer car TOUS ne sont pas ainsi. Mais nous ne sommes toujours pas au niveau organisationnel japonais.
D’autre part, un article précédent (ultérieur?) expliquait que l’implication technique permettait de gravir passivement les échelons de la Société. En y regardant de plus près, beaucoup de manageurs le deviennent après être passés au travers des reproches, après s’être très bien « entendus » avec leur N+n, enfin, après avoir saisi les opportunités internes idéalement dédiées aux personnes de qualité et impliquées.
Ceci dit, utopiquement, je suis d’accord avec la plupart des articles, qui bien qu’ayant été rédigés en 2009 sont actuels en 2013.
@Karl : Vos remarques sont intéressantes. J’ai l’impression qu’elle reflètent une expérience dans un contexte de grande(s) entreprise(s), où les jeux politiques ont une importance plus grande que dans les startups et les PME. Faire du lobbying (être sympa avec les bonnes personnes, se faire bien voir, …) et se blinder (pour dire que les erreurs viennent toujours des autres) sont des comportements difficilement applicables dans les petites structures.
Mais c’est vrai que ça reste une réalité. De manière générale, je pense que c’est aussi un constat d’échec pour les managers. L’évaluation des personnes devrait dépendre de la qualité de leur travail uniquement, pas de leurs copinages. Et tout le monde devrait chercher à produire des projets de qualité, pas simplement à faire le minimum en espérant que ça passe.